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A Courbevoie, un trafic de HLM ni vu ni connu

27 juin 20150

C’est « triple peine » pour quinze familles occupant des appartements sociaux rue de Normandie, à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Non seulement elles ont perdu des sommes conséquentes – jusqu’à 6 500 euros –, versées à l’ancien gardien Moussa N. qui, en échange, leur avait « ouvert » un logement social en toute illégalité, mais elles sont désormais toutes sous le coup d’une expulsion (trois ont déjà été exécutées) et font l’objet de poursuites judiciaires. Ces familles pour la plupart modestes, originaires d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, sont soupçonnées de « corruption et trafic d’influence » par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Nanterre. S’ajoutent, dans la procédure, quinze personnes mises en examen pour avoir soudoyé le gardien, mais sans obtenir de logements. « On a été escroqué et c’est nous que l’on traite de malfaiteurs », déclare, amer, Raymond Saint-Fleury, l’une d’entre elles. L’affaire débute avec la plainte déposée le 24 juin 2013 par Frédéric Glais, directeur de l’office public de l’habitat (OPH) de Courbevoie, qui, alerté par des locataires légitimes, « découvre » que vingt appartements fraîchement rénovés sont squattés. Selon le dossier des enquêteurs, dont Le Monde a pu prendre connaissance, les policiers voient défiler des victimes livrant, à quelques détails près, le même récit : ils ont, par l’entremise d’une connaissance, d’un copain de bistro, contacté Moussa N. qui prétendait pouvoir leur faire attribuer des logements sociaux grâce à ses relations. Moussa N. évoque notamment le maire de la ville, député des Hauts-de-Seine et vice-président de l’office HLM, Jacques Kossowski (Les Républicains, ex-UMP), qu’il connaît personnellement pour avoir activement participé à ses campagnes électorales, comme en attestent de nombreux témoignages et photos. Les victimes racontent que Moussa N. faisait visiter des appartements, en leur laissant parfois le choix – du studio à 2 500 euros, versés en liquide, au quatre-pièces à 6 500 euros –, et faisait miroiter la « régularisation » de la situation, une fois dans les murs, avec un bail en bonne et due forme. Un conte de fées pour ces familles galérant depuis des années pour se loger ! Selon les calculs des enquêteurs, quarante « victimes » – le terme employé par les policiers – ont, entre 2011 et 2013, versé au gardien un total de 111 680 euros. A partir de 2012, deux autres intermédiaires s’imposent dans les « transactions » et la combine prend de l’ampleur. D’origine gambienne, Yassin M.,surnommée « la femme d’affaires », a accès aux clés, fait visiter les appartements, perçoit des commissions. Quant à Djeamel H., qui a grandi dans la résidence, il obtient de Moussa le droit d’exploiter pour son compte l’un des appartements. Il recrute des locataires sur le site Leboncoin.fr et, pendant onze mois, passe relever le loyer mensuel de 850 à 900 euros, en liquide. Le 2 juillet 2013, excédés par les promesses non tenues de Moussa N., certains des « faux locataires » et de ceux qui ont payé pour rien se rendent à sa loge pour des explications musclées. La police les sépare, puis une dizaine de protestataires emmènent le gardien dans le bureau du maire de Courbevoie, Jacques Kossowski, qui accepte de les recevoir sur-le-champ. « Le maire nous a demandé de laisser passer les élections [les municipales de mars 2014] et dit qu’il nous ferait ensuite signer un bail, la seule démarche étant de remplir un dossier de demande de HLM. Aujourd’hui, pour toute réponse, nous sommes expulsés », raconte, les larmes aux yeux, Bernard Koré, père de quatre enfants, logé dans un deux-pièces et seul à avoir obtenu six mois de délai pour déguerpir. Des combines « de notoriété publique » Quatre jours plus tard, le 6 juillet 2013, Moussa N. s’envole pour le Sénégal « sur les conseils du maire », a-t-il lui-même déclaré aux policiers qui l’ont joint par téléphone. M. Kossowski n’a pas souhaité répondre à nos questions mais a, à diverses reprises, contesté cette version des faits. Moussa N. n’a, jusqu’à présent, pas été mis en examen. Comment ce trafic a-t-il pu échapper à la vigilance de l’OPH jusqu’en juin 2013, alors qu’il durait depuis trois ans ? Dès 2010, des locataires s’étaient, en effet, plaint de ne pas avoir accès aux caves et aux locaux pour vélos, que le même gardien utilisait comme entrepôt. Le 24 mars 2012, une infirmière, Marie D., qui avait, en pure perte, versé 500 euros à Moussa N., avait écrit, en recommandé, au maire de Courbevoie, pour s’en plaindre. Yolande Deshayes, première adjointe au maire et présidente de l’OPH, l’avait reçue, lui promettant d’examiner sa demande de logement social, qui n’a pas abouti ; elle avait aussi proposé une confrontation avec le gardien, laquelle n’aura jamais lieu. Dès lors, les plus hautes instances de l’office étaient informées. D’ailleurs, « les combines de Moussa, c’était de notoriété publique et ça ne gênait personne », raconte une locataire en titre, arrivée en 2012. Le petit commerce de Moussa N. s’inscrit dans un contexte de gestion bien particulière de cet organisme HLM, sur lequel les enquêteurs ne se sont pas encore penchés. Le fonctionnement même de l’office de Courbevoie est « très verrouillé et très politique », selon Karim Larnaout, administrateur de l’OPH et élu d’opposition (Nouvelle Donne) : « Bien que la CNL [Confédération nationale du logement, association de locataires marquée à gauche] arrive en tête aux élections des représentants de locataires, ses représentants sont systématiquement écartés des commissions, notamment d’attribution de logements, au profit d’une autre association, l’UDLI [Union départementale des locataires indépendants] », dont tous les dirigeants nationaux sont des élus et militants Les Républicains des Hauts-de-Seine. La tutelle politique est omniprésente, la moindre circulaire adressée aux locataires par Frédéric Glais, directeur de l’office, est cosignée par la présidente (Yolande Deshayes jusqu’en mars 2014, puis l’actuelle adjointe du maire à la politique de l’habitat, Christiane Radenac). Mme Deshayes (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions) a, entre 2009 et 2011, exercé sur Pascal Siry, directeur pendant cette période, un contrôle permanent. Jusqu’à lire son courrier avant lui et « à imposer ses orientations en matière de gestion du personnel, notamment dans le recrutement, le licenciement », détaille le jugement du 7 mai 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui, saisi par M. Siry, a reconnu le harcèlement dont il a été victime.

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