«Ils sont 23 maintenant, on a de quoi faire deux équipes de foot.» Frédéric Lagache, du syndicat SUD-rail, est de bonne humeur. A ses côtés, Dominique Malvaud, du même syndicat, Xavier Robin, leur avocat et Leïla Djebrouni, avocate également, font face aux sans-papiers, assis en demi-cercle autour d’une table. Impôts. Objectif de la réunion, commencer à monter les dossiers et évoquer les actions futures. Ces maîtres-chiens affirment travailler pour des sous-traitants de la SNCF (Libération d’hier). Nouveauté, cinq personnes affirment, bulletins de salaire à l’appui, avoir signé des contrats à durée indéterminée auprès de la société sous-traitante, Vigimark Surveillance, grâce à de faux papiers. L’un d’entre eux raconte que ce CDI à Vigimark est son quatrième emploi fixe. Ça fait presque neuf ans qu’il est en France. Sa petite fille de quatre ans est scolarisée en France, il paie des impôts, cotise à la Sécu. «On ne veut plus de ça. On n’a plus rien à perdre.» D’autres expliquent que le sous-traitant sous-traiterait à son tour. Une pratique pourtant interdite par le plan de prévention signé entre la SNCF et Vigimark. Ces sans-papiers assurent travailler clandestinement, payés par d’autres sociétés. Ils disposent pourtant des vêtements et badges distribués par Vigimark. Chaque soir, tous ces sans-papiers surveillent des quais de gare de banlieue et des faisceaux (ensemble de voies ferrées), souvent depuis des années. Vigimark Surveillance démentait, dans Libération d’hier, avoir connaissance de la présence de sans-papiers. Parole. A ceux-ci, Dominique Malvaud explique : «Il va falloir exiger de Vigimark une promesse d’embauche.» Un sans-papiers intervient : «Je tiens à dire qu’il va falloir qu’on reste tous solidaires. Tout le monde nourrit des familles au bled.» Le syndicaliste reprend la parole : «On envisage que vous participiez à la manifestation des cheminots, jeudi prochain, place de la Bastille. Il faudra que vous veniez avec vos uniformes et vos badges. Vous en pensez quoi ?»Hochements de tête approbateurs. Il poursuit. «Dites aux autres que c’est maintenant qu’il faut venir nous voir.» En face, on sent de la détermination. «On a trop souffert pour reculer», dit un Malien. Ça fait quatre ans et demi qu’il travaille clandestinement comme maître-chien.