Sabri, ici un mois avant sa mort, avait 19 ans et demi lorsqu’il a été tué d’une balle dans le dos, le 20 décembre 2011. | (DR.) D’emblée, il précise qu’il ne cherche pas la vengeance. Le visage marqué, la gorge serrée, Mohamed se fait violence pour parler de ce fils qu’il a enterré en Algérie. Il sort une photo récente prise un mois avant sa mort, au Parc Astérix. Sabri était le deuxième de ses trois enfants. Il avait 19 ans et demi, lorsqu’il a été tué d’une balle dans le dos, le 20 décembre dernier, au mail de Fontenay, dans le quartier des 4000 à La Courneuve. « Je ne vais pas dire que mon fils était un ange, il a fait des conneries, c’était un grand voleur, mais pas un trafiquant, je défie la police et les juges de me ramener une seule preuve qu’il trafiquait et alors je me tairai », promet ce père meurtri, qui réclame un coup d’arrêt aux violences meurtrières dans les quartiers. Soutenu par des associations des 4 000, il appelle avec son avocate à un rassemblement devant le tribunal de grande instance de Bobigny aujourd’hui à 11h30. Le lieu n’a pas été choisi au hasard. « L’enquête confiée à la brigade criminelle est toujours en préliminaire, trois mois ont passé et on attend toujours l’ouverture d’information, indique l’avocate Leïla Djebrouni. Sans ça, la famille n’a aucun statut, elle n’est pas reconnue en tant que partie civile, donc elle n’est rien. » Elle connaissait Sabri depuis ses 13 ans. Elle décrit un adolescent avec des problèmes psychologiques, déscolarisé, féru de mécanique et qui n’arrivait pas à trouver d’apprentissage stable, mais qui « ne se frottait pas aux stupéfiants ». Pourtant, récemment encore, dans une salle d’audience du tribunal de Bobigny où étaient jugés des trafiquants de La Courneuve, le nom de Sabri a été mentionné, comme une connaissance des prévenus. « Ils ont grandi ensemble, ils se connaissent, ce n’est pas pour autant qu’ils trafiquent tous », commente Mohamed, qui ne cache pas le casier de son fils. Il mentionne trois périodes de détention, soit dix-neuf mois au total, pour des « vols et braquages essentiellement ».« On a fait ce qu’on a pu, j’ai même voulu quitter le département, parce que dans le quartier, c’est 20% qui s’en sortent et 80% qui crèvent la faim », résume le père qui vit depuis cinquante ans dans le quartier des 4000. Il attend que l’enquête fasse la lumière sur la mort de son fils. Mais surtout une réaction plus globale, pour « en finir avec un système mafieux, de vengeance en vengeance ». « Ce sont des gamins qui se font tuer, c’est du gâchis, ils n’ont rien connu à la vie à cet âge-là. Sabri n’avait pas peur, il était radical, avec ses armes à lui. Il emmerdait les dealeurs. » Il aurait aimé que la mort de son fils « serve d’exemple », « soit la dernière ». « Il doit y avoir quelque chose à faire, non? » Un vœu qui n’a pas été exaucé. Les balles ont encore tué et blessé à La Courneuve, comme à Marseille ou Paris. Sur le tract appelant au rassemblement d’aujourd’hui, une liste de dates, déjà longue et pourtant incomplète, rappelle ces morts par balles dans la ville, dont le dernier est tombé aux 4000 le 13 janvier. « Le 22 avril 2012, est-ce la fin des morts d’enfants ou l’hécatombe continue-t-elle? » interroge le tract, qui interpelle ainsi les candidats à l’élection présidentielle.