Le début du procès Christophe Khider, 35 ans, a raconté mercredi devant la cour d’assises du Val-de-Marne que lui et Mounir Benbouabdellah, 30 ans, avaient connu comme un moment d' »euphorie » quand ils s’étaient retrouvés « libres » dans la prison de Fresnes avec les surveillants qu’ils détenaient en otage. Après l’échec de leur évasion par hélicoptère, le 27 mai 2001, dont les occupants leur avaient largué un sac contenant des armes et des gilets pare-balles, il y a eu un « petit flottement, on n’avait pas de plan B », a dit celui qui a été décrit comme le « chef ». Les deux candidats à la belle venaient toutefois déjà de s’emparer de trois surveillants. Christophe Khider a parlé d’une « association d’idées » pour expliquer pourquoi, « à la seconde » où il avait vu les surveillants -dont un sera relâché rapidement- il les avait pris en otages. « J’ai pensé otages, monnaie d’échange, ouverture de porte, liberté », a-t-il détaillé. Les deux détenus comptent à ce moment-là pouvoir se faire ouvrir la grille de détention du grand couloir central de la maison d’arrêt, dont ils espèrent qu’elle les mènera à la liberté, en menaçant leurs otages. Ils vont et viennent dans la partie de la prison où ils sont retranchés. « On rigole. Il y a une euphorie du moment. On est en détention mais quelque part on est libres ». « On rigole un peu même si on sait » Tentative de sortie en force, cachés sous des couvertures avec leurs otages, négociations avec les policiers du Raid, espoir de trouver une issue… « Le temps passe, on rigole un peu moins, on sait que ça risque de ne pas aboutir », a poursuivi Christophe Khider. Le lendemain, « c’était mon anniversaire. Je me disais ‘je vais effectivement crever le jour de mes 30 ans' ». Finalement, le lendemain dans la matinée, Mounir Benbouabdellah se rend le premier, accompagné d’un otage. Une fois arrivé à la prison de la Santé, à Paris, où il avait demandé à être conduit, il téléphone à Khider, toujours retranché à Fresnes. Celui-ci libère le dernier surveillant, puis se rend à son tour, après avoir envisagé d’attendre que les hommes du Raid viennent le chercher pour en finir. « Des larmes coulent. Il y a la déception de ne pas être dehors ». A l’avocat général qui lui demande s’il est « prêt à s’échapper à nouveau », Christophe Khider « ne (répondra) pas ». « Je vous laisse penser ce que vous voudrez », ajoute-t-il. Mounir Benbouabdellah devait être entendu à son tour sur les faits, avant les plaidoiries des parties civiles et le réquisitoire jeudi. Le verdict Leur tentative d’évasion de Fresnes par hélicoptère, spectaculaire, s’était achevée par une fusillade sur le toit de la prison et par une prise d’otages. La cour d’assises du Val-de-Marne le 18/03/2007 soir condamne respectivement à 15 ans et 13 ans de réclusion Christophe Khider et Mounir Benbouabdellah, les principaux protagonistes, et à 10 ans Cyril Khider, le seul de leurs complices identifiés. Le verdict a été accueilli dans le calme tandis que le service d’ordre, conséquent pendant toute la durée du procès, avait encore été renforcé. Au terme de huit jours d’audiences parfois tendues et d’un délibéré de près de douze heures, la cour n’a pas retenu la qualification de complicité de tentative d’assassinat reprochée aux trois hommes. Elle les a en revanche condamnés pour complicité de violences volontaires avec arme sur agent de l’administration pénitentiaire, comme l’avait plaidé et demandé l’un des avocats de la défense, Me Pierre Lumbroso. Un surveillant en poste au mirador, ce 27 mai 2001, avait été très grièvement blessé lors d’échanges de tirs avec les passagers de l’hélicoptère venus faire évader Christophe Khider et Mounir Benbouabdellah, qui purgeaient des peines de 30 ans et 15 ans de réclusion. Rappelant les mots du chirurgien – « c’est passé à 2 mm » -, l’avocat général, Philippe Devoucoux, n’avait pas retenu vendredi pour autant la préméditation, estimant que les occupants de l’hélicoptère s’étaient « déterminés à tirer quand ils ont compris que le surveillant n’avait pas fui » à leur vue. Débats autour d’une fusillade L’avocat général avait requis respectivement 18 ans et 16 ans de réclusion contre Christophe Khider, 35 ans, et Mounir Benbouabdellah, 30 ans, qui après leur évasion ratée, avaient pris trois surveillants en otages, dont deux durant vingt heures, avant de se rendre le lendemain. Quinze ans avaient été demandés à l’encontre de Cyril Khider, 33 ans, qui, avec deux complices non identifiés, avait contraint une pilote d’hélicoptère à conduire son appareil au-dessus de la prison. Les tirs entre l’hélicoptère et le mirador ont pris une large place dans les débats pour tenter de déterminer qui avait tiré le premier. Pour l’accusation et les surveillants partie civile au procès, ce sont les occupants de l’hélicoptère, parce que le gardien du mirador était « devenu gênant », ayant mis en joue les deux candidats à la belle alors que ceux-ci essayaient d’atteindre l’échelle de corde, trop courte, jetée de l’appareil. Pour la défense, en revanche, l’objectif n’étant « pas de tuer un surveillant mais de faire évader les prisonniers », les occupants de l’hélicoptère n’avaient « strictement aucun intérêt » à tirer les premiers. « Le surveillant si, pour faire échouer l’évasion », avait plaidé Me Bernard Ripert, rejetant d’un bloc une expertise acoustique menée pour identifier les coups de feu, à partir de films vidéo amateurs de l’évasion. Me Pierre Lumbroso, avocat de Cyril Khider, avait aussi fait valoir que le « doute » sur l’expertise et le fait que le surveillant ait été atteint par « un débris de balle », après ricochet, devaient « profiter » aux accusés. Pour lui, il y a eu des « violences volontaires », « mais pas d’intention homicide ». S’élevant contre les « peines extravagantes requises », Me Ripert avait lancé à la cour : « Si vous les prononcez (…), vous les condamnez à recommencer (…) et cette fois-là, ils n’auront plus rien à perdre ».