Mise en examen pour assassinat dans l’affaire du corps dans la valise découverte au large de Lorient, une jeune femme est incarcérée depuis huit mois. En juillet 2011, une valise flottant devant la pointe de Gâvres était repêchée. À l’intérieur se trouvait le corps en putréfaction d’un homme enserré dans une bâche en plastique, le visage recouvert d’adhésif et ligoté aux poignets, aux genoux et aux chevilles. Trois haltères lestaient le bagage pour le faire couler. Aucun indice ne permettait d’identifier la victime, à l’exception d’une clé de sécurité « Vachette » retrouvée dans sa poche. Durant deux ans, le mystère est resté total. Jusqu’au jour où les gendarmes, qui interrogeaient inlassablement les dépositaires de la marque de la clé, ont fini par retrouver, à Paris, l’artisan qui avait vendu la serrure. Il avait conservé le nom et l’adresse de l’appartement parisien de l’acheteur, un homme âgé de 57 ans. Indic et « protecteur » L’enquête devait établir qu’il s’agissait d’un proxénète, par ailleurs indicateur de police, qui possédait un salon de massage à Paris. C’était en réalité un établissement de prostitution dont il avait confié la gérance à son ex-compagne, une jeune femme de 30 ans sa cadette qu’il avait d’abord recrutée comme prostituée. Selon le témoignage de la jeune Lorientaise qu’elle employait dans l’établissement, c’est la tenancière qui aurait tué son patron et « protecteur » dans les locaux du salon, à l’issue d’une dispute où il était question d’argent et non de sentiments. Elle lui aurait d’abord porté un coup de chandelier à la tête puis l’aurait étranglé, avec l’aide de son employée, après lui avoir donné l’ordre d’enrouler le fil électrique de l’imprimante autour de son cou. Vaisselle et taxi de nuit Les deux femmes auraient ensuite placé le corps dans la valise, puis appelé un taxi de nuit. Direction Lorient, où le père de l’employée serait en mesure de se débarrasser du cadavre. Toujours selon sa fille, il aurait emprunté un bateau pour aller jeter la valise à la mer. Elle devait émerger quelques semaines plus tard. L’instruction a permis de réunir d’autres éléments qui tendent à confirmer la véracité du témoignage. Le chauffeur de taxi, interrogé, a confirmé le voyage nocturne. Intrigué par le volume et le poids du bagage, il avait demandé ce qu’il contenait et l’une des voyageuses a répondu qu’il s’agissait de vaisselle destinée à une exposition. Autre élément : d’importants dépôts d’argent sur le compte de la jeune femme, peu de temps après la disparition du quinquagénaire. Témoignage contesté « Je conteste tout ce qu’on me reproche », répond la mise en cause. Le témoignage accablant de son employée et complice ? Il n’est pas crédible en raison du déséquilibre dont elle souffre, plaide son avocat en évoquant son passé de placement en établissements psychiatriques et des expertises diagnostiquant un « syndrome bipolaire schizophrénique à tendance hallucinatoire ». La défense souligne la contradiction entre le témoignage des faits établis, comme l’absence de trace d’étranglement sur le cou de la victime, ou le bruit de vaisselle entendu par le chauffeur de taxi. « Et puis, aucune autre enquête n’a été menée », poursuit Me Lumbroso en rappelant que « l’indicateur de police a fait tomber les plus gros proxénètes de Paris, dont le caïd de Pigalle qui est sorti de prison trois jours avant la disparition ». Selon la mise en examen, son employeur se savait menacé. Elle avait d’ailleurs déclaré avoir reçu, trois jours avant qu’il ne disparaisse, la visite de trois personnages « des pays de l’Est » qui le recherchaient pour une affaire de dette. Des arguments rejetés par l’avocat général, qui a estimé que les éléments matériels étaient suffisamment solides. Pour lui, le maintien en détention est nécessaire : « Nous en sommes encore au début de l’instruction. Il reste beaucoup de vérifications et d’investigations à faire, notamment vers les pistes suggérées par la défense ».