«Venez tout de suite, j’ai été cambriolé, ma femme est inanimée, il y a du sang partout ! » Lorsqu’il téléphone aux secours le 15 juillet 2010, à 22 h 11, Sylvain Dromard, patron d’une menuiserie de Saint-Martin-d’Ablois (Marne), semble paniqué. Arrivés à son domicile, les pompiers et les gendarmes le trouvent éploré au côté du corps ensanglanté de Laurence, son épouse, agonisant sur le sol de la cuisine. La coiffeuse de ce village au cœur des vignes champenoises décède trois heures plus tard. Sylvain Dromard affirme l’avoir découverte à son retour d’un rendez-vous professionnel à Epernay, ville située à une dizaine de kilomètres de son domicile. Après avoir constaté que des bijoux et une enveloppe contenant 1 200 euros ont disparu, il suggère qu’un cambrioleur l’a sans doute agressée… Une piste trop évidente pour les gendarmes, qui vont en suivre une autre : celle d’un mari volage ayant supprimé sa femme avec l’aide de sa maîtresse. Six ans après les faits, Sylvain Dromard, solide gaillard de 57 ans, sera donc jugé pour « assassinat », à partir du 3 février, par la cour d’assises de Reims, au côté de Murielle Bonin, 52 ans, accusée de « complicité ». Sous contrôle judiciaire et avec interdiction de se rencontrer, ils comparaîtront libres. Massacrée « en confiance » Les premiers doutes affleurent dès l’autopsie. Car Laurence Dromard a été massacrée, victime d’une dizaine de coups, assénés sans doute avec un outil de jardin. « L’agresseur avait une force physique importante », note l’expert, qui s’étonne de cet « acharnement », peu commun chez les cambrioleurs. Dans cette impasse où les maisons se touchent, aucun inconnu n’a d’ailleurs été aperçu par les voisins, qui n’ont pas entendu non plus de bruit suspect durant cette soirée estivale. « Si elle avait surpris quelqu’un, Laurence Dromard aurait sans doute crié », assure Me Olivier Carteret, l’avocat de ses parents et de sa sœur. « L’analyste comportemental (ou profiler, selon le mot anglophone, NDLR) qui a scruté la scène de crime indique qu’elle devait connaître son agresseur. Elle a été en quelque sorte tuée en confiance. » Les enquêteurs apprennent ensuite que cet homme marié depuis dix-neuf ans est un coureur de jupons. Depuis 2008, il entretient une liaison avec Murielle Bonin, une secrétaire rémoise. Il a même vécu avec elle quelques mois, avant de rentrer au domicile conjugal, le 23 avril 2010. Le lendemain, Laurence Dromard file chez sa rivale pour lui signifier de ne plus tourner autour de son mari. Affirmant avoir été frappée, la maîtresse du menuisier dépose plainte. La secrétaire révèle tout à sa sœur Après le décès de la coiffeuse, les gendarmes placent sur écoute les deux amants, qui se voient en cachette dans des hôtels. Le 9 novembre 2010, Murielle Bonin appelle sa sœur pour lui révéler que Sylvain Dromard a assassiné son épouse. Le menuisier et sa maîtresse sont interpellés. A la fin de sa garde à vue, la secrétaire craque. Elle avoue qu’ils ont décidé de supprimer Laurence Dromard après l’altercation du 24 avril. Elle a même acheté l’arme du crime, une batte de base-ball. Selon son récit, Sylvain Dromard aurait tué seul sa femme entre 20 h 30 et 21 heures, avant de partir voir un client à Epernay. A son retour, il aurait découvert qu’elle n’était pas morte et l’aurait étouffée avec un torchon avant d’appeler les secours. Murielle Bonin soutient qu’il a caché la batte et ses vêtements ensanglantés dans le faux plafond de son atelier, avant de les brûler dans ses vignes, peu après le crime. Interrogé sur la découverte d’un trou suspect dans le faux plafond de son atelier, Sylvain Dromard dit l’avoir fait accidentellement. « En plus, Murielle Bonin parle d’une batte de base-ball, alors que le médecin légiste évoquait au départ un outil de jardin », s’étonne Me Pierre Lumbroso, l’avocat du menuisier. Les restes d’un feu avec des œillets de chaussure sont aussi découverts à l’endroit indiqué par Murielle Bonin. Mais aucun lien direct ne peut être établi avec Sylvain Dromard, qui a toujours clamé son innocence. L’ordinateur de la maîtresse révèle un autre élément troublant : elle a cherché, sur Google, « comment se procurer une arme ». Puis, après le crime, elle a jeté son téléphone dans la Marne. Après l’avoir repêché, les gendarmes découvrent des SMS dans lesquels les amants évoquent un mystérieux « plan » à exécuter avant le 17 juillet. « Ce n’était qu’un ultimatum de Murielle Bonin qui menaçait de le quitter s’il partait en vacances avec sa femme », tempère Me Pierre Lumbroso. Ce dernier remet aussi en cause le timing du crime retenu par l’accusation. « Selon le légiste, le meurtre n’a pu être commis avant 21 heures. Pourtant, Sylvain Dromard est vu par un voisin vers 21 h 10. Il n’a pas de vêtements ensanglantés et il va faire normalement un devis chez un client à Epernay, insiste-t-il. Est-ce le comportement d’un homme qui vient de tuer sa femme ? » Non, estiment Clarisse et Chloé, ses deux filles, qui soutiennent leur père depuis le début. En revanche, les parents et la sœur de Laurence Dromard, eux, ne croient pas à l’innocence du menuisier. « Ce couple avait deux affaires qui marchaient bien, un joli patrimoine immobilier. Bref, ils avaient tout pour réussir, explique Me Olivier Carteret. Mais avant le drame, Sylvain Dromard avait demandé à son notaire ce que lui coûterait un divorce. Il a tué sa femme pour des raisons financières. » Murielle Bonin, elle, tente aujourd’hui de minimiser ses aveux. Elle n’aurait acheté la batte de base-ball que pour se défendre contre la coiffeuse. Et le projet d’assassinat aurait été imaginé par le seul Sylvain Dromard. « Elle le pousse à commettre ce crime, elle est aussi coupable que lui, assène Me Olivier Carteret. De toute façon, qui d’autre pouvait en vouloir à cette femme honnête et sans histoires ? »